"Quand nous changeons la manière de faire pousser notre nourriture, nous changeons notre nourriture, nous changeons notre société, nous changeons nos valeurs"
Manasobu Kukuoka, La révolution d'un seul brin de paille
L'agriculteur et philosophe Japonais nous livre ses conclusions après une vie d'expérimentations et d'observations culturales. Un moment d'introspection édifiant qui nous rappelle que nous sommes ce que nous mangeons.
La situation aurait été bien différente si, au même âge, j'étais tombée follement amoureuse d'un homme de cinquante ans qui, en dépit de ma jeunesse, après avoir eu des relations avec nombre de femmes de son âge auparavant, et qui, sous l'effet d'un coup de foudre irrésistible, aurait cédé, une fois, mais la seule, à cet amour pour une adolescente. Oui, alors là, d'accord, notre passion extraordinaire aurait été sublime, c'est vrai, si j'avais été celle qui l'avait poussé à enfreindre la loi par amour, si au lieu de cela, G. n'avait pas rejoué cette histoire cent fois tout au long de sa vie ; peut-être aurait-elle été unique et infiniment romanesque, si j'avais été, en somme, dans sa vie sentimentale, une exception. Comment ne pas lui pardonner, alors, sa transgression ? L'amour n'a pas d'âge, ce n'est pas la question.
En réalité, à l'échelle de l'existence de G., je savais maintenant que ce désir pour moi était infiniment redondant et d'une triste banalité, qu'il relevait de la névrose, d'une forme d'addiction incontrôlable.
"En très haute montagne, je l'apprends, le temps est vécu avec une amplitude qui n'a rien à voir avec notre perception habituelle. En bas, dans les villes, on dit qu'on n'a jamais le temps. Tout cela est parce qu'on ne veut pas le prendre. Au delà de 7 500 mètres, le temps, c'est ta vie. Ton cerveau ralentit, le temps avec, et tu vois ta vie qui passe, seconde après seconde. Le temps, tu le prends à pleine mains, tu le savoures comme ton bien le plus précieux. Il ne se disperse pas, se concentre, s'homogénéise, t'enveloppant dans un espace de sérénité.
Contrairement au dicton, le temps n'est pas de l'argent, c'est la vie même. Dans la vie quotidienne, on se laisse épuiser par le nombre de choses qu'on croit devoir faire.... ou qu'on pourrait faire. Quand on prend son temps, quand on limite le nombre d'options au maximum, on goûte pleinement à l'existence."
"La femme ? c'est bien simple, disent les amateurs de formules simples : elle est une matrice, un ovaire ; elle est une femelle ; ce mot suffit à la définir. Dans la bouche de l'homme, l'épithète "femelle" sonne comme une insulte ; pourtant il n'a pas honte de son animalité, il est fier au contraire si l'on dit de lui " C'est un mâle !" Le terme "femelle" est péjoratif non parce qu'il enracine la femme dans la nature, mais parce qu'il la confine dans son sexe ; et si ce sexe paraît à l'homme méprisable et ennemi même chez les bêtes innocentes, c'est évidemment à cause de l'inquiète hostilité que suscite en lui la femme ; cependant il veut trouver dans la biologie une justification de ce sentiment. Le mot femelle fait lever chez lui une sarabande d'images : un énorme ovule rond happe et châtre le spermatozoïde agile ; monstrueuse et gavée la reine des termites règne sur les mâles asservis ; la mante religieuse, l'araignée repues d'amour broient leur partenaire et le dévorent ; la chienne en rut court les ruelles, traînant derrière elle un sillage d'odeurs perverses ; la guenon s'exhibe impudemment et se dérobe avec une hypocrite coquetterie ; et les fauves les plus superbes, la tigresse, la lionne, la panthère se couchent servilement sous l'impériale étreinte du mâle. Inerte, impatiente, rusée, stupide, insensible, lubrique, féroce, humiliée, l'homme projette dans la femme toutes les femelles à la fois."
Simone de Beauvoir, Le deuxième Sexe, I - Chapitre premier : Les données de la biologie