Novecento : pianiste

Il avait vingt-sept ans à l'époque, mais il paraissait plus âgé. Je le connaissais à peine : on avait joué ensemble dans l'orchestre pendant ces quatre jours, mais c'était tout. Je ne savais même pas où était sa cabine. Bien sûr, les autres m'avaient un peu parlé de lui. Ils racontaient de drôles de choses : ils disaient : Novecento, il est jamais descendu. Il est né sur le bateau, et depuis, il y est resté. Toujours. Vingt-sept ans sans mettre le pied à terre, jamais. Dit comme ça, ça avait l'air d'une craque monumentale... Ils disaient aussi qu'il jouait une musique qui n'existait pas. (...). Le monde, il ne l'avait peut-être jamais vu. Mais ça faisait vingt-sept ans que le monde y passait, sur ce bateau : et ça faisait vingt-sept  ans que Novecento, sur ce bateau, le guettait. Et lui volait son âme.

Alessandro Baricco, Novecento : pianiste

Alessandro Baricco mène un monologue, une fable poétique dans une forme aconventionnelle. Au milieu de l'océan, le génie de Novecento s'exprime en une musique qui n'existe pas. Novecento est une légende contemporaine, une métaphore filée de la musique, de l'amitié, du renoncement. The Legend of 1900 est le film de Guiseppe Tornatore pour lequel Ennio Morricone composa la bande originale, car plus qu'il ne se lit, cet ouvrage s'écoute.Par l'auteur de  L'âme de Hegel et les vaches du Wisconsin et Châteaux de la colère.